Deux jours avant mon départ, j’avais marché à travers les champs, seul, très loin, vers les collines, si loin que je n’entendais plus les gens. Le soleil était haut, il illuminait le ciel. Sous sa lumière, tout m’était apparu si vaste, si pur et en même temps si triste, si ancien. Déjà, je ne le voyais plus avec mes yeux, mais avec ceux de tous les hommes qui en rêvaient, quelque part dans leur exil.

Le vide semblait s’être ouvert devant moi, alors, je m’étais mis à courir à perdre haleine. Le bruit de mes pas résonnait dans les collines, le bruit de mon sang dans mes tempes, le bruit de mon cœur. Tout était étrangement solitaire, les champs semblaient abandonnés, tout brillait durement à la lumière du soleil […] Encore une fois, j’ai regardé le ciel comme je ne l’avais jamais regardé, je me suis fondu en lui. J’avais sept ans. Je savais que j’allais quitter ce pays pour toujours.

Récit de la traversée, du passage des mondes, Les jours infinis raconte l’enfance de son auteur, Mounsi. Une enfance commencée en Kabylie, dans la pauvreté, le dénuement, mais dans la richesse d’un univers magique, nourrie de l’amour de son aïeule conteuse-sorcière qui l’initie aux mystères, à la beauté des êtres et des choses, du ciel et de la terre. Arraché à ses montagnes, il se retrouve, auprès de son père, en France. D’hôtels miteux en bidonvilles, il découvre la misère de la vie d’immigré et la condition d’étranger, les existences précaires, condamnées à s’entasser dans des logements de fortune, coupées du reste de la société.

Conteur hors pair, dans ce court roman autobiographique, Mounsi livre avec une rare intensité poétique un merveilleux récit d’exil, une expérience humaine par-delà les rives de la Méditerranée.